L'Express du 3 au 9 septembre 2014
De notre correspondant Laurent DECLOITRE
Photos : Pierre MARCHAL
Mariée à 17 ans avec un garagiste musulman, rencontré deux mois auparavant, la jeune Nassimah Mangrolia négocie avec sa belle-famille le droit de poursuivre ses études. Nous sommes en 1977, à Saint-Denis. « Chez nous, les filles n’allaient pas à l’école, raconte celle qui n’a jamais renié l’islam. Nous n’étions pas destinées à nous cultiver, mais à nous marier ! » Elle est la seule, parmi ses douze frères et sœurs, à « résister », soutenue par ses professeurs, qui viennent plaider sa cause auprès d’un père obtus. « Je ne lui en veux pas, il a fait avec ce que sa culture lui avait transmis », pardonne Nassimah, aujourd’hui adepte du soufisme, « la voie ésotérique et intérieure de l’islam ». La présidente du conseil général s’est même rendue trois fois à La Mecque et fait chaque année le ramadan.
Amode, son père, a enseigné le Coran à la mosquée de Saint-Louis, tout en complétant ses revenus modestes comme employé de commerce. « Lorsque les acteurs s’embrassaient à la télé, on devait détourner le regard », se souvient Nassimah, en souriant malgré une émotion difficilement contenue. Autre anecdote révélatrice de l’ambiance familiale : « Un jour, je sens une très bonne odeur de plat cuisiné chez des amis. J’ai le malheur de le dire. C’était un cari cochon, j’ai reçu une calotte… »
À peine mariée, la jeune femme tombe enceinte ; elle accouche chez ses parents et ne regagne jamais le domicile conjugal. Il lui faudra plusieurs années pour faire constater la séparation et obtenir le divorce. Refusant de tomber « dans la sensiblerie » ou de provoquer « la pitié », l’élue est réticente à évoquer ces souvenirs. Un jour, peut-être, dans une autobiographie ? « Pourquoi pas, si ça peut aider les jeunes musulmanes de la Réunion »…
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